Les Polonais, libérateurs oubliés de la Somme et du Nord-Pas de Calais .

 Lorsque l'on évoque la Libération de la France, on pense aux anglo-américains qui ont débarqué le 6 juin 1944 sur les plages de Normandie, aux français libres du général De Gaulle et notamment à la 2ème division blindée de Leclerc qui entre dans Paris.

Mais saviez vous que nos polonais ont eux aussi participés à cette libération ?

Offensive alliée dans le nord de la France

Qui sont ces polonais ?

En 1939, une forte proportion de Polonais, militaires ou civils, parviennent à fuir la Pologne pour la France ou l’Angleterre, via la Hongrie ou la Roumanie. Après la défaite française, certains Polonais qui ont participé à la campagne de 1940, ou engagés de la dernière heure, se retrouvent en Grande-Bretagne.

Dès 1940, le gouvernement polonais en exil que dirige le général Sikorski veut mettre en place des unités nationales qui combattront à l'Ouest sous commandement opérationnel britannique. C'est le cas pour la 1ère division blindée polonaise, formée de Polonais de Pologne mais aussi d'autres venus de la diaspora des États-Unis, du Canada, d'Argentine, du Brésil, d'Australie, de Belgique et bien sûr de France . Le commandement de cette unité sera confié au général Stanislaw Maczek.

L'arrivée sur le sol français

Le débarquement du 6 juin 1944 avait impliqué des navires des marines de guerre et marchande polonaises, ainsi que des escadrilles aériennes. Il fallut attendre le 31 juillet 1944, pour voir débarquer les premières forces terrestres polonaises sur le sol normand, notamment à Courceulles sur Mer près d'Arromanches.

Le débarquement à Courceulles

La bataille de Normandie

La division est rattachée à la 1ère Armée Canadienne et, dès le 4 août 1944, prend part à la Bataille de Normandie.
Sherman de la 1ère DB polonaise dans la campagne normande

Les 17 et 18 août, les alliés parviennent à isoler une partie de l'armée allemande dans la "Poche de Falaise" et les blindés polonais sont sollicités pour la manœuvre de tenailles visant à couper l'ennemi de ses arrières. Le 19 août, une partie de la 1re DB polonaise du général Maczek occupe Mont-Ormel, la très importante cote 262, qui commande l'ensemble du secteur. L'objectif de l'autre partie de sa division est Chambois, afin de fermer la poche une fois pour toutes. Les combats sont très meurtriers, le village étant attaqué sur trois côtés.
Le Mont-Ormel, baptisé Maczuga (la massue) par les polonais sera le cadre d'un combat digne de la Grande Guerre s'engage alors. Isolés, les Polonais repoussent plusieurs fois les Waffen-SS. Cependant, les munitions commencent à manquer, les Polonais se battent alors au couteau, à la baïonnette, au casque, à mains nues voire à la bouteille. Un officier de chasseurs va jusqu'à ordonner à ses hommes de ne tirer qu'à bout portant sur les Allemands. Dans les sous-bois, on voit même se produire des duels à la grenade d'arbre en arbre. Toutefois, une troisième contre-attaque engage alors les restes du 2e corps de parachutistes sur Coudehard. Cette fois-ci, avec la pression combinée des Panzer SS, les Polonais doivent lâcher prise sur plusieurs secteurs. Sur le mont Ormel, le lieutenant-colonel Stefanowicz, alarmé dit à ses officiers : « Messieurs c'est la fin, il est inutile de se rendre aux SS. Mourons pour la Pologne et la civilisation. »

Les soldats allemands sont fait prisonniers par les polonais (Archives de l'Orne)

Le 22 au matin, les chars canadiens  dégagent enfin Saint-Lambert-sur-Dives et parviennent aux pieds des coteaux du Mont-Ormel. C'est alors que, n'y tenant plus, les chasseurs à pied s'élancent en hurlant dans une furieuse contre-attaque qui brise l'isolement. Des soldats canadiens affirment que des fantassins polonais leur sont tombés dans les bras en pleurant. La bataille de Normandie est terminée.

Le général Maczek célébrant la victoire

Les combats de libération

Après une période de repos du 24 au 30 août  1944 pour se réorganiser, la division du général Maczek reçoit la mission de prendre la ville d'Abbeville en agissant sur le flanc gauche de l'armée canadienne. La division quitte Vaudeloges le 29 août 1944, se dirige vers Elbeuf, passe la Seine à Criquebeuf sur le pont de Varsovie construit par le Génie polonais et atteint la région de Letteguives à 15 kms à l'est de Rouen.
Pont de Varsovie construit par les polonais sur la Seine

Libération d'Abbeville (Somme)

Le 1er septembre 1944,  la division se met en route vers Abbeville à la poursuite de l’ennemi.

Char polonais dans Abbeville


Le 2 septembre, l’avant-garde atteint la Somme et trouve tous les ponts détruits. Les troupes passent alors une partie le fleuve à l’aide de barques.

Entrée des chasseurs Podhales dans Abbeville

Le 3 septembre, les bataillons de chasseurs Podhales sécurisent un passage sur la Somme et constituent une tête de pont à Port le Grand permettant de progresser vers Grand Laviers. A 10 heures, ils s'emparent d'Abbeville.

Char polonais rue des Lingers à Abbeville

Le lendemain, la division reprend se marche, libère Crécy-en-Ponthieu. Une ville meurtrie par la mort de plusieurs civils abattus la veille par les Allemands.

Le Pas de Calais

Les combats et l'avancée dans le département du Pas de Calais s'enchaînent et sont très rapides aussi, je vais vous citer le résumé qu'en fait le Musée de la Résistance: 

" Le 4 septembre 1944, Le 10e régiment de chasseurs à cheval trouve un passage sur l'Authie à Villencourt et à La Neuville. Le 3e escadron part vers Hesdin, le 2e plus au Sud-Est, le 1er vers Vieil Hesdin et Auchy les Hesdin. Par Vieil Hesdin, les 2e et 3e escadrons franchissent la Canche et arrivent au Parcq. A 11 heures 30, le 1er escadron est au contact avec l'ennemi devant le pont détruit d'Auchy les Hesdin, un char Cromwell est détruit faisant quatre blessés. Une reconnaissance part vers le gué du Moulin de Rollencourt, où un char arrive à passer alors que les autres s'enlisent ; dans le même temps, le 2e escadron venant de Fresnoy arrive à Eclimeux d'où une partie se dirige vers Blangy, l'autre vers Erin, où elle rentre en contact avec l'ennemi et s'empare du pont de Tilly Capelle et de plusieurs antichars. A 15 heures 30, le commandant le 10e régiment de chasseurs à cheval arrive avec le 3e escadron à Humeroeuille, il envoie le 3e escadron à Tilly Capelle pour permettre au 2e escadron de progresser sur la droite où il brise la résistance  ennemie à Teneur (25 prisonniers)  et atteint la route Fruges - Anvin, puis dépasse Crépy et s'empare du pont de Verchin. Dans le même temps le 2e escadron est parvenu à Azincourt. Pour la nuit, le régiment bivouaque à Azincourt. Il a perdu un char, cinq sont endommagés, cinq hommes blessés.

Libération de Blangy sur Ternoise

Le 24e régiment de lanciers passe l'Authie à Willencourt et Auxi le Chateau, puis progresse par Haravesnes, Fillièvres, route de Saint Pol, Hesdin, Blangy sur Ternoise, où le pont est détruit ; un char tente le passage et perd une chenille, le génie comble le passage et la progression peut reprendre en direction de Ruisseauville pour couper la route Hesdin - Fruges. Le 1er escadron doit réduire la résistance ennemie à Erin, tandis que le 3e escadron part sur la gauche pour atteindre la route à l'entrée de Ruisseauville ; au centre le peloton de reconnaissance, suivi du 2e escadron sur la route Blangy - Ruisseauville (départementale 104). L'ennemi tient Ruisseauville avec un bataillon d'infanterie, quatre antichars, quatre automoteurs antichar, l'ennemi est neutralisé et le régiment passe la nuit à Ruisseauville interdisant la route Hesdin - Fruges.

Entrée des polonais à Hesdin

Le 2e régiment blindé passe l'Authie à Villeroy sur Authie et par Gennes-Iverny, Fontaine l'Etalon, le Quesnoy en Artois, Vieil Hesdin arrive à Hesdin, où le pont est détruit ; il passe à Grigny, suit les lisières de la forêt d'Hesdin et du bois Saint Jean, arrive à Wamin puis  Barles (carrefour D 928 et D 155), monte l'assaut contre l'ennemi et nettoie le secteur ; il passe la nuit à Barles. Pendant la nuit, le 9e bataillon de chasseurs prend possession de la ville d'Hesdin."

Libération d'Hesdin

5 septembre 1944 : libération St Omer

Au matin de cette journée mémorable, les villes de Wizernes, Blendecques et d'Arques sont libérées par le 24e Régiment de Lanciers. A 16 h, le premier escadron du 10e Dragons polonais fait prisonnier soixante Allemands au couvent de la Malassise, une brigade de ce peloton s'empare d'un blockhaus au sud de cette zone. Alors que les directives générales étaient de contourner les villes pour éviter les combats de rues, le sous-lieutenant Szezeniowski, commandant du peloton polonais de reconnaissance, fonce sur la ville de Saint-Omer sous le feu des mortiers et de l'artillerie allemandes. A 16 h 30, le sous-lieutenant annonce par radio à son chef que ses hommes sont entrés dans la ville. Le major Zgorzelski lui répond : « Je vous fais cadeau de Saint-Omer, c'est bien parce qu'aujourd'hui c'est la fête de votre régiment ». En effet, c'était le jour du cinquième anniversaire de la bataille de Skrzydina en Pologne, durant la campagne de 1939, où les soldats du 10e Dragons combattirent vaillamment contre un ennemi très supérieur en nombre.

Entrée dans Saint Omer

L'escadron polonais pénètre alors dans la ville sous un feu intense de l'artillerie et atteint la Grand-Place sans aucune perte. Vingt minutes plus tard, des patrouilles sont envoyées sur les principales poches de résistances aidées par les patriotes et FFI audomarois. L'ennemi est surpris et le premier escadron fait deux cent cinquante prisonniers allemands. Au cours de cette journée, un Polonais, quatre résistants, quatre civils et seize Allemands sont tués à Saint-Omer. En fin d'après-midi, une joie collective s'empare des habitants, les soldats polonais du premier escadron de Dragon renforcé par les six chars du 24e Lancier tiennent officiellement la ville. A 19 h 30, le sous-préfet de Saint-Omer accompagné du commandant du premier escadron, le capitaine Giera et du sous-lieutenant Szezeniowski, commandant du peloton polonais de reconnaissance, arrivent au balcon de l'hôtel de ville pour saluer une foule en liesse. Pour la ville de Saint-Omer le hasard avait bien fait les choses, ce jour-là.
D'après le livre : « Les Combats de la Libération du Pas-de-Calais » d'Hugues Chevalier.

Place de Saint Omer


Monument aux polonais tombés à Wittes le 5 septembre 1944

Le Nord

Libération de Meteren

« Le mercredi 6 septembre au matin ce fut le calme absolu. C’est désormais l’attente dans un certain climat d’anxiété. Puis brusquement vers 11 heures 30 on entendit des cris. Les Anglais sont là !  En deux secondes, tous les gens furent dans la rue.

Arrivée dans Meteren

Cette colonne d’engins militaires composée de chars lourds Sherman et de véhicules divers,  prenait ensuite la route du Schaecken et  se dirigeait vers le Mont Noir, rejointe par des véhicules venant du Mont des Cats. C’était la 10e Brigade de cavalerie blindée de la 1ère Division blindée Polonaise qui s’apprêtait à entrer en Belgique.

Accueil de la population de Meteren

Les soldats portaient des uniformes anglais mais avaient l'écusson polonais sur l'épaule. Ils ont libéré Abbeville, Hesdin, Saint-Omer, Steenvoorde, le mont des Cats... D'ailleurs, l'un des soldats est devenu moine, il y est enterré. » 

(cf page 15 de La libération de Bailleul par le Centre d’Histoire et d’Archéologie de Bailleul, imprimerie de l’Indicateur, Hazebrouck, 3e trimestre 2004).

Les libérateurs 

Libération de Cassel

Entrée dans Cassel

Le 6 septembre, le jour tant attendu est arrivé. Venant de Saint-Omer, les Polonais traverseront Cassel sans devoir livrer de combats. Les Allemands ayant décroché de la cité sans opposer de résistance. Aussitôt, les maisons se couvrent de drapeaux aux couleurs des Alliés. La population organise spontanément plusieurs cérémonies sur la Grand-place, au pied du monument aux Morts et de la statue du Maréchal Foch. Les libérateurs polonais traversent Cassel pour se diriger vers la frontière belge qu’ils franchiront le jour même vers 13h00. 

Libération de Cassel

Les enfants de Cassel


Le 6 septembre 1944, la 1ère division blindée polonaise franchit la frontière belge à 13 heures 30 et après avoir libéré Poperinge se trouve à 18 heures devant la ville d'Ypres. En Belgique, la division libèrera les villes suivantes : Ypres, Thielt, Roulers, Gand, Axel, Saint Nicolas, Terneuzen. Au Pays Bas : Baarles Nassau, Alphen, Turnhout, Terover, Gilze, Osterwyk, Breda.  Elle progressera en Allemagne et obtiendra la reddition, le 5 mai 1945, du port militaire de Wilhelsmshaven.

Les hommes de Maczek étaient surnommés "Black Devils" (les diables noirs).

Film d'époque (en polonais) Campagne depuis la Normandie jusque Breda aux Pays Bas.
On y voit la prise d'Abbeville, la traversée du Nord Pas de Calais et la libération de la Belgique

Quant à Maczek lui même, il est relevé de ses obligations militaires le 9 avril 1948. Le général ne reçoit aucune pension, ni du Royaume Uni, ni de la Pologne communiste, qui lui retire sa nationalité polonaise. Il gagne sa vie comme barman à l’hôtel Learmouth à Edimbourg.Il y mourra en 1994 à l'âge de 102 ans et, conformément à sa volonté, sera inhumé au cimetière polonais de Breda, avec ses frères d'arme.

Chant de la 1ère DB polonaise


André Szczerba


Source : La Voix du Nord, Musée de la Résistance 1939-1945, Wikipedia, Youtube, divers sites d'histoire locale, https://maczuga.blog4ever.com/, Archives de l'Orne.

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