Hymnes nationaux de nos aïeux

De nos jours, tous les polonais qu'ils soient du pays ou de la diaspora connaissent le "Mazurek de Dabrowski", hymne national officiel de l'Etat polonais. Mais, cette chanson, bien qu'à l'origine créée à la même époque que la Marseillaise française, n' a été "homologuée" que très tardivement dans l'histoire polonaise.

En 1918, la Pologne a retrouvé son indépendance. La Constitution de mars 1921 définit l'emblème et les couleurs de la République de Pologne, laissant ouverte la question de l'hymne. Cela a été en partie réglementé par l'arrêté n ° 221 du 22 mars 1921 émis par le ministre des Affaires militaires, le général Kazimierz Sosnkowski ,qui choisissait la Mazurka de Dabrowski, ancien chant des Légions polonaises de la Campagne d'Italie comme hymne national.

Six ans plus tard, le 26 février 1927, le ministère de l'Intérieur publia une circulaire établissant que l’hymne commencerait par les mots "Jeszcze Polska nie zgineła"(La Pologne n’a pas encore péri).

La version originale du texte de Jozef Wybicki a été raccourcie de deux strophes, et la ligne mélodique du mazurek - par quelques sons. La première des abréviations résultait de la nécessité de mettre à jour le libellé de l'époque où la nation polonaise avait retrouvé sa souveraineté. La seconde abréviation, mélodique, faisait correspondre le nombre de notes au nombre de syllabes du refrain, en gardant son rythme intact. La Pologne avait ainsi un ensemble permanent d'attributs d'État: armoiries, couleurs et hymne.

Vous vous doutez bien que la Pologne millénaire n'a pas attendu 1921 pour se doter d'un chant national et unificateur....

Je vous propose un petit voyage en chansons dans le temps.....

BOGURODZICA

C'est l'un des premiers chants nationaux de l'histoire, mais c'est surtout, avant tout, un chant religieux marial. Il a été écrit entre le xie et le  xiiie siècle et il est dédié à la Vierge Marie. Son titre signifie "Mère de Dieu" en français. Il fut probablement composé à la mémoire de St Stanislas, le saint patron de la Pologne. L'un des premiers textes écrit en langue polonaise, Bogurodzica est aussi un monument de la littérature polonaise.

Bogurodzica chantée dans le film Krzyzacy d'Aleksander Ford 1960

Bogurodzica, dziewica, Bogiem sławiena Maryja
Mère de Dieu, Vierge, par Dieu glorifiée Marie,
U Twego syna, Gospodzina, matko zwolena Maryja,
De ton fils, notre Seigneur, mère choisie, Marie!
Zyszczy nam, spuści nam.          
Convertis pour nous, envoie-nous.      
Kirielejson.       
Aie pitié, Seigneur        
Twego dziela krzciciela, Bożycze,           
Fils de Dieu, par l'amour de ton Baptiste,          
Usłysz głosy, napełń myśli człowiecze.
Entends nos vœux, accomplis les intentions de l'homme.         
Słysz modlitwę, jąż nosimy,     
Écoutez la prière que nous vous offrons,          
A dać raczy, jegoż prosimy:      
Et daigne nous donner ce que nous demandons:          
A na świecie zbożny pobyt,       
Sur terre, un pieux séjour,       
Po żywocie rajski przebyt.        
Après la vie, la demeure céleste.          
Kirielejson.       
Aie pitié de nous Seigneur.   

  


Manuscrit de 1407 en langue polonaise

GAUDE MATER POLONIA

L'hymne national polonais du Moyen Âge jusqu'aux partages du XVIIIsiècle. Les chevaliers puis les hussards ailés polonais avaient l'habitude de le chanter après une bataille victorieuse.


Gaude Mater Polonia
Réjouis toi Pologne,
Prole foecunda nobili
Mère féconde d'une race noble.
Summi Regis magnalia
Sois attentive à célébrer
Laude frequenta vigili.
Les merveilles du Roi très haut.

Le texte latin de cet hymne fut composé par Vincent de Kielce, moine dominicain de Raciborz (Haute-Silésie), à l’occasion de la canonisation, en 1253, de l’évêque de Cracovie, Stanislas de Szczepanow (1030-1079). La musique est une mélodie grégorienne sur O Salutaris Hostia, dont la plus ancienne notation connue figure dans l’ Antiphonaire de Kielce (1372).
Au XVIIIe siècle Grzegorz Gerwazy Gorczycki en écrivit une version baroque, toujours jouée.


HYMN DO MILOSCI OJCZYZNY (Hymne à l'amour de la Patrie)

Le texte de cette chanson a été rédigé en 1774 par Ignacy Krasicki, considéré comme le "prince des poètes" des Lumières polonaises.
En 1772, la Pologne avait subit son premier partage; deux autres allaient suivre en 1793 et 1795 jusqu'à la disparition totale du pays. Un appel à la résistance ?


Święta miłości kochanej ojczyzny
L'amour sacré de la patrie bien-aimée,
Czują cię tylko umysły poczciwe!
Seuls les bons esprits te ressentent !
Dla ciebie zjadłe smakują trucizny,
Pour toi, les poisons ont bon goût,
Dla ciebie więzy, pęta niezelżywe.
Pour toi, les liens ne brisent pas les chairs.
Kształcisz kalectwo przez chwalebne blizny,
Tu façonnes les estropiés de glorieuses cicatrices,
Gnieździsz w umyśle rozkoszy prawdziwe,
Tu nourris l’esprit de vrais plaisirs
Byle cię można wspomóc, byle wspierać,
Juste pour t’aider, pour te soutenir,
Nie żal żyć w nędzy, nie żal i umierać.
Il n’est pas triste de vivre pauvre, ni de mourir.

 

MAZUREK DE DABROWSKI

Le texte du Chant des légions polonaises en Italie (Pieśń Legionów Polskich we Włoszech) a été écrit par le général Jozef Wybicki en hommage aux légionnaires polonais qui servent au sein de l'Armée d'Italie. Il a été chanté pour la 1ère fois le 19 juillet 1797.  Par la suite, ce chant accompagne les soldats polonais dans toutes les batailles de la campagne napoléonienne, de même que La Marseillaise, fut portée d'abord par les volontaires marseillais. Si les paroles sont de Wybicki, l'auteur de la musique restera lui, un illustre inconnu.
Ce n'est que 120 ans après sa première interprétation, que ce chant deviendra l'hymne officiel de la Pologne.

Extrait du film Popioly d'Andrzej Wajda 1965


Jeszcze Polska nie umarła,
La Pologne n'a pas encore péri,
Kiedy my żyjemy.
Tant que nous vivons.
Co nam obca moc wydarła,
Nous reprendrons par le sabre,
Szablą odbijemy.,
Ce que la violence étrangère nous a arraché.
Marsz, marsz, Dąbrowski 
Marche, marche Dabrowski,
Do Polski z ziemi włoski 
De la terre italienne vers la Pologne ;
Za twoim przewodem 
Sous ta direction,
Złączym się z narodem. 
Nous nous unirons avec la Nation.

Manuscrit de Wybicki

WARSZAWIANKA 1831 (La Varsovienne)

Le texte polonais est la traduction du poème français « La Varsovienne », écrit en février 1831, en référence à l'insurrection de novembre1830 à Varsovie, par le poète parisien Casimir Delavigne. Le poème est intitulé « La Varsovienne » en imitation de « La Marseillaise ».

Un mois après, le texte se trouve en tract à Varsovie. Le poème est immédiatement, fin mars, traduit par le poète et historien Karol Sienkiewicz (oncle de Henryk Sienkiewicz), qui a publié dans la revue de Varsovie « Polak Sumienny ». Il est aussitôt mis en musique par le célèbre compositeur d'opéra, le directeur et le chef d'orchestre de l'opéra de Varsovie, Karol Kurpinski.



Oto dziś dzień krwi i chwały,           
 Il s'est levé, voici le jour sanglant ;
Oby dniem wskrzeszenia był!           
Qu'il soit pour nous le jour de délivrance !
W tęczę Franków Orzeł Biały           
Dans son essor, voyez notre aigle blanc
Patrząc, lot swój w niebo wzbił.       
Les yeux fixés sur l'arc-en-ciel de France
Słońcem lipca podniecany                 
Au soleil de juillet, dont l'éclat fut si beau,
Woła do nas z górnych stron:             
Il a repris son vol, il fend les airs, il crie :
"Powstań, Polsko, skrusz kajdany,     
"Pour ma noble patrie,
Dzis twój tryumf albo zgon!"              
Liberté, ton soleil ou la nuit du tombeau !"
Hej, kto Polak, na bagnety!                
 Polonais, à la baïonnette !
Żyj, swobodo, Polsko, żyj!                
 C'est le cri par nous adopté ;
Takim hasłem cnej podniety              
Qu'en roulant le tambour répète :
Trąbo nasza wrogom grzmij!              
À la baïonnette !
Trąbo nasza wrogom grzmij!
Vive la liberté!

MARSZ, MARSZ POLONIA

L'histoire de cette chanson a commencé en 1863 , pendant l’insurrection de janvier . Elle a été nommée Marche de Czachowski, associée à l'un des chefs de l'insurrection , le général Dionizy Czachowski. Les interprètes de cette chanson étaient des soldats originaires de Galicie, comme en témoignent à la fois le choix des airs , et l'un des versets du texte . L'auteur du texte n’est pas connu mais la mélodie a été tirée d’une chanson populaire ukrainienne « Ojne chody Hryciu taj na weczornyci »


Rozproszeni po wszem świecie, gnani w obce wojny.
Dispersés dans le monde entier, entraînés dans des guerres étrangères.
Zgromadziliśmy się przecie, w jedno kółko zbrojne.
Nous nous sommes réunis en un seul cercle armé.
Marsz, marsz Polonia,
Marche, marche Polonia,
Nasz dzielny narodzie,
Notre courageuse nation
Odpoczniemy po swej pracy,
Nous allons nous reposer après notre travail,
W ojczystej zagrodzie.
Dans  notre patrie.

ROTA (le Serment)

Rota est un poème polonais écrit en 1908 par MariaKonopnicka en réponse à la loi du gouvernement prussien sur l'expropriation forcée des Polonais de la terre. Avec ce texte, la poétesse rejoint la protestation des Polonais contre la politique de germanisation, qui s'est intensifiée depuis la fin du XIXe siècle.
Ce poème patriotique est ensuite mis en musique par Feliks Nowowiejski et chanté pour la première fois le 15 juillet 1910, le jour de l'inauguration du monument de Grunwald à Cracovie, lors des cérémonies organisées pour célébrer le 500e anniversaire de la victoire de Grunwald en 1410 qui brisa la puissance des Teutoniques.
Ce chant est entonné dans les tranchées de Neuville-Saint-Vaast par les soldats polonais de la Légion étrangère à l'aube du 9 mai 1915, avant qu'ils se lancent en première ligne à la conquête de la crête de Vimy, dans la bataille de l'Artois.
C’est également le chant que bons nombre de nos grands parents apportèrent dans leurs bagages lors de leur arrivée en France.

Nie rzucim ziemi, skąd nasz ród.
Nous n'abandonnerons pas la terre de nos ancêtres.
Nie damy pogrześć mowy.
Nous ne laisserons pas mourir notre langue.
Polski my naród, polski lud,
Nous sommes la nation polonaise, le peuple polonais,
Królewski szczep piastowy.
La tribu royale des Piast.
Nie damy, by nas gnębił wróg.
Nous ne permettrons pas que l'ennemi nous opprime.
Tak nam dopomóż Bóg ! ( x2 )
Seigneur Dieu, viens nous en aide ! (bis)

MAZUREK DE DABROWSKI (officiel)

L'hymne national polonais depuis 1927, avec des paroles figées depuis 94 ans à la date d'aujourd'hui.
Une chanson créée dans les rangs d'une Polonia de France d'il y a 200 ans, celle qui avait mis ses espoirs dans un jeune général corse pour faire renaître leur Pologne perdue.


La Pologne ne mourra pas
Tant que nous vivrons...


André Szczerba

Sources : bibliothèques et sites polonais, Wikipédia, Youtube.

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