Post Mortem

 J'ai longtemps hésité à vous proposer cet article car le thème de la mort est sensible et que les images peuvent heurter voire choquer nos sensibilités contemporaines.

Néanmoins, cet aspect de la mort, cette relation avec nos défunts a été pendant un temps une coutume pour nos grands parents, surtout au sein de l'immigration polonaise.Cette tradition est encore en usage dans certaines parties de la Pologne actuelle.

Au début du XXème siècle, il était courant de photographier les défunts, comme un dernier hommage, mais surtout ce “dernier portrait” avait une importance capitale dans le processus de deuil.
Très peu de monde possédait un appareil photo à cette époque. Prendre une photo nécessitait un savoir-faire et un matériel conséquent, il fallait donc faire venir un professionnel pour immortaliser les moments importants de la vie : Mariage, communion, portait de famille, ou pour immortaliser pour la dernière fois les traits du grand-père ou d’un jeune enfant trop tôt disparu .


Kazimir Zgorecki, Rouvroy-Pas-de-Calais-France 1924-1939 / Post-Mortem.
Le bébé au centre est décédé.

A vrai dire des photos, les gens en faisaient rarement, alors souvent, lorsque la mort venait à frapper, aucun cliché du défunt n’avait été réalisé avant son trépas. Il était alors d’usage de faire des portraits post-mortem de manière posée, comme s’ils étaient vivants. On n’hésitait pas à jouer avec les artifices pour les “réincarner”, le temps de la pose : on les embaumait bien entendu, on leur ouvrait les yeux, parfois même on réussissait à les faire se tenir debout. 

Certaines images sont même parfois troublantes, on ne saurait dire qui est vivant ou qui est mort. La photographie post-mortem évoluera avec le temps pour photographier les morts plus simplement – sur leur lit, couché, les yeux fermés et les mains croisées.


Kazimir Zgorecki- années 1930- petite fille sur son lit de mort

Dans la communauté polonaise de France, c'était aussi un moyen de garder une image du défunt (parent, enfant) au cas où l'on retournerait au pays. Peut être cela atténuait-il le sentiment de laisser les tombes des proches disparus "à l'abandon", on les emmenait avec soi au pays. Dans les années 1930, le photographe Kasimir Zgorecki en a réalisé un grand nombre; lors de la dernière exposition sur son oeuvre au Louvre-Lens, une salle était dédiée à ses clichés post mortem.


Photographie familiale, obsèques du frère de ma grand mère,Stanislaw, années 1980
Kielce - Swietokrzyskie- Pologne

C'était aussi un moyen de transmettre ces portraits posthumes à la famille restée au pays; la dernière image d'un frère, d'une soeur.... et ce, dans les deux sens.
Je me souviens d'avoir reçu au début des années 2000, un courrier m'annonçant le décès de la soeur de ma mère avec une photographie de ma tante dans son cercueil.

On explique l’arrêt de cette tradition par le développement de la photographie, chaque famille commençant à avoir son propre appareil photo, l’appel à un professionnel se faisant de plus en plus rare. Le rapport entre le photographié et le photographiant changeant, ce type de portrait a fini par être presque totalement délaissé. La simple idée de l’acte photographique devenant même choquant.

Photographie familiale, décès de mon oncle - Années 1990
Basznia Dolna - Podkarpackie- Pologne

André Szczerba

Sources : page "les yeux clos" , Kasimir Zorecki et la photographie post-mortem

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