Les expulsés du 11 août 1934

Fosse 10 de l'Escarpelle - Leforest (62)

 "...De 1917 à 1939, au nom de l'héritage révolutionnaire et jacobin, la France républicaine a fiché, sélectionné, surveillé, interné, purgé et déporté les étrangers. Contre eux, elle a bâti un appareil systématique d'exploitation légale et économique. Contre eux, elle a recouru à la carte d'identité, à l'encadrement de l'emploi, aux camps de concentration et aux wagons de rapatriement....". Ceci est une partie de la présentation de l'ouvrage intitulé La République xénophobe de Pierre-Jean Deschodt et François Huguenin.

L'année 1934 est marquée par la crise économique, des manifestations violentes, la montée des nationalismes, l'arrivée massive de réfugiés fuyants l'Allemagne nazie. Bref, l'ambiance n'est pas bonne même jusque dans les mines où les travailleurs polonais sont sous la menace de l'amende systématique (retenue sur salaire) pour trois fois rien, du chômage voire de l'expulsion....

Compagnie des mines d'Aniche
Extrait des consignes

L'incident de l'Escarpelle

C'est dans le contexte évoqué ci-dessus, que le 2 août 1934, au niveau des puits 6 et 10 de la compagnie de l'Escarpelle, situés à Leforest dans le Pas-de-Calais, des rumeurs concernant l'expulsion de deux ressortissants polonais commencent à circuler parmi les mineurs.

La colère monte parmi les mineurs et des réunions sont organisées pour tenter d'éviter ses expulsions.

Tract syndical appelant à une réunion d'action.

L'action est donc décidée et le 6 août à 6 heures du matin, 347 polonais et 88 français descendent à 400 mètre de profondeur pour une grève sur le tas, bloquant le monte-charge et l'accès aux galeries.
Le bras de fer avec la compagnie minière s'engage alors....
Très vite des rumeurs circulent à la surface : les français ont été pris en otages, menacés voire tués...
Après d'âpres négociations, au bout de 37 heures d'occupation du fond et aux promesse de clémence de la part de la compagnie minière, les grévistes remontent au jour et, se font cueillir par la gendarmerie mobile.

L'incident relaté par l'Humanité (journal communiste)
du 15 août 1934

Revue Détective du 16 août 1934

La réaction du gouvernement français ne se fait pas attendre puisque le 8 août, un arrêté ministériel ordonne l'expulsion de 77 mineurs polonais et de leurs familles sous 3 jours.

L'expulsion

Le 11 août 1934, ce sont près de 200 personnes (hommes, femmes et enfants) qui doivent faire leurs bagages, vider leurs habitations et quitter la France.
Tout le mobilier est vendu à des prix dérisoires car il ne peut être emmené.

Diaporama de l'expulsion

Ces familles avaient certainement envisagé un jour ou l'autre un retour au pays mais pas dans ces conditions là. Ces gens repartaient avec une étiquette de criminels, de communistes dans une Pologne, elle même nationaliste à l'époque et qui, en 1920, avait bravement repoussé l'invasion bolchévique.


Reportage, témoignages sur l'expulsion
Ville de Leforest

Un seul de ces expulsés reviendra en France, mais il le fera en tant que chef d'état, c'est Edward Gierek premier secrétaire du parti communiste de la République Populaire de Pologne.

Reportage France 3

Outre les expulsions, 2 mineurs polonais seront arrêtés et incarcérés, 127 seront licenciés.



Documents divers :

Sur ces documents quelques noms d'expulsés ou de condamnés.

Lettre du Préfet au Consul Général de Pologne.

Réponse du Consul Général au préfet

Une bribe de la liste des expulsés
Archives départementales du Pas de Calais

Coupures de presse

La presse de l'époque n'est pas tendre avec ces "bandits polonais" ! Ces quelques articles de presse vous montreront à quel point...

Le journal de Roubaix - Août 1934


La Croix de l'Aveyron - Août 1934

Le Petit Marocain -Août 1934

Magazine Vu - 1934


Le Pèlerin - Magazine catholique- 1934




André Szczerba

Sources : Bnf Gallica, Archives nationales de Pologne, Youtube, INA, Wikipédia, etc..


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