Merci à Anne-Lise Smorowski-Favier pour ce témoignage sur son oncle
Mieczyslaw Przybysz
Préambule : n’ayant pas connu mon grand oncle, décédé prématurément
à l’âge de 44 ans (en 1956), j’ai surtout entendu parler de lui par ma
grand-mère qui aimait énormément son frère. Les faits rapportés ci-dessous sont
issus de mes recherches et de l’histoire familiale transmise par ma babcia et
ma maman.
Mieczyslaw
Przybysz, mon grand-oncle, le frère de
ma grand-mère maternelle, voit le jour en Wesphalie (actuelle Allemagne) le 21
décembre 1912. Il est le premier enfant de Jozefa et Jan Przybysz, tous deux
polonais (et nés dans la campagne de Poznan) ayant été s’installer dans la Ruhr
avant la Première Guerre Mondiale. Mon arrière-grand-père Jan y travaille en
tant que mineur. En 1914 naît Praxeda, ma grand-mère, sœur de Mieczyslaw.
La
famille Przybysz - composée de Jan et Jozefa, les parents et de Mieczyslaw et
Praxeda, les enfants - arrive en France au début des années 1920, probablement
1923 et habite Divion, rue du Vieil Fort, comme en atteste les recensements
menés à l’époque et que j’ai retrouvé au cours de mes recherches.
Mon
grand-oncle Mieczyslaw entreprend des études secondaires à Béthune et obtient
le baccalauréat mention philosophie en 1931 (le premier de la famille sur le
territoire français !). Il suit le séminaire à Arras et est ordonné prêtre
le jour de ses 23 ans, le 21 décembre 1935. Dès lors, il enseigne au collège
Sainte-Austreberthe de Montreuil-sur-Mer. En 1940, il succède à l’abbé Chodura,
dans la paroisse de Oignies, l’abbé Chodura ayant été exécuté par les Allemands
dans son presbytère en sauvant la vie de personnes réfugiées chez lui.
En arrivant à Oignies en
1940, il reçoit la consigne écrite de l’évêque d’Arras de laisser aux prêtres
français des paroisses le soin de faire les baptêmes, mariages et enterrements.
Une disposition qui ne plait pas aux Polonais qui souhaitent de leur côté que
ce soit l’aumônier polonais qui officie. La situation s’envenime un peu et le
vicaire général intime à mon grand-oncle d’expliquer aux Polonais la nécessité
de faire suivre le catéchisme aux petits Polonais dans les paroisses
françaises. Ce à quoi il s’oppose, arguant que sa nationalité l’en empêche. Le
vicaire lui répond qu’il est prêtre avant d’être Polonais et mon grand-oncle,
très attaché à son pays lui répond : « j’étais Polonais avant d’être prêtre ». Un débat qui aboutit à
un assouplissement des règles en vigueur : si le catéchisme doit être appris en français, les
prières et chants peuvent être appris en Polonais… Finalement cela illustre le
délicat travail d’intégration de la mission pastorale en milieu étranger
(source : « De l’immigration polonaise en France » de Gabriel
Garçon).
A
partir de 1942, Mieczyslaw exerce son ministère à Lens et s’engage dans la
Résistance, à travers le mouvement Pown-Monika. Il milite également au sein du
réseau d’évasion Wisigoths-Lorraine des FFC (source « musée de la
Résistance en ligne).
Quelques mots sur Pown-Monika et le réseau
Wisigoths-Lorraine : POWN est l’acronyme de Polska
Organizacja Walki o Niepodległość , soit « organisation polonaise de lutte pour
l’indépendance ». C’est une organisation qui a été créée sous l’inspiration
d’un consul polonais - Alexander Kawalkowski - et dont l’organisation armée
répondait du haut commandement polonais à Londres. Elle visait notamment à délivrer
la Pologne de toute occupation ; pour cela, les adhérents aux réseaux
estimaient qu’il fallait d’abord participer à la Résistance en France pour
ensuite espérer l’indépendance de la Pologne. Le petit nom de Monika (parfois
Angelika) correspondait à un « cryptonyme », sous lequel circulaient
les messages radio envoyés à Londres.
Quant au réseau Wisigoths-Lorraine, il s’agit d’un
réseau de passage de soldats polonais réfugiés en France vers l’Angleterre.
N’ayant pas retrouvé le rôle
exact de mon grand-oncle dans ces deux réseaux
de Résistance pendant la Seconde Guerre Mondiale, je ne peux que me référer
à l’histoire familiale. Mon grand-oncle Mieczyslaw faisait a priori passer des documents et avertissait le réseau lors de la
tenue de réunions. Petite anecdote de famille : un pot de fleurs placée à
la fenêtre du logement avertissait discrètement le réseau de certaines
informations. Sans doute a-t-il tenu d’autres rôles, mais je n’en sais pas
davantage. Secret de Résistance !
Autre anecdote : mes
grands-parents écoutaient Radio Londres et ma maman, encore toute petite, mais
ayant entendu souvent la litanie « Ici Londres, les Français parlent aux
Français » le répétait souvent sans avoir conscience que cela aurait pu
mettre ses parents, ses grands-parents et son oncle Mieczyslaw (tous immigrés
Polonais) dans un embarras certain vis-à-vis des envahisseurs allemands…
Heureusement la guerre s’est
terminée sans tracas pour la famille Przybysz en France et mon grand-oncle reçut
à la Libération plusieurs décorations : Croix de mérite avec glaive, Croix d'argent de la Mission
catholique polonaise, Croix de la résistance avec barrette Libération, Croix du
combattant volontaire 39-45 et Médaille de la Résistance polonaise en France
(source Musée de la Résistance en ligne). J’ai la chance de détenir deux de ses
décorations, les autres sont conservées par mes cousins.
Après la guerre, Mieczyslaw
continue d’être prêtre à Lens (il est aumônier général des Sokols polonais en
France), qui devient sa paroisse, ville où il décède à l’âge de 44 ans d’un
cancer du pancréas. Très attaché à sa patrie la Pologne, il était très apprécié
de l’évêché pour sa foi : en témoigne les courriers très émouvants (que
j’ai en ma possession) que l’évêché a adressé à ma famille et qui souligne, au
plus fort de sa maladie, « sa sérénité d’âme », puis lors de son
décès la manière dont il a réussi à rassembler les « deux communautés
polonaise et française ». Il est inhumé dans le cimetière de Divion.
Par ce petit article, je
tiens ici à lui rendre ce petit hommage, à celui que je n’ai pas connu mais
dont ma grand-mère, ma Babcia, m’a tant parlé…
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