Mieczyslaw Rodzynski, le "Chevalier bleu"


 Bayonnais de la première heure, grâce à son courage et sa bravoure, il passa du grade de caporal de la légion étrangère à celui de capitaine de l'armée polonaise en France. Héros de la Grande Guerre et de l'indépendance de la Pologne, il mourut au combat à l'âge de 32 ans.

Mieczysław Kazimierz Rodzynski, est né le 4 mars 1888 à Varsovie alors sous tutelle russe. Rapidement veuve avec cinq enfants à charge, sa mère, Teodora, met un point d'honneur à ce que ses enfants aient une éducation.

Alors qu'il est élève dans un lycée de Varsovie, il participe activement à une grève pour le retour de l'enseignement du polonais le 28 janvier 1905, ce qui lui valut une exclusion définitive. ll termine ses études secondaires à Lublin, passe deux semestres à étudier l'agronomie à l'Institut Pulawy, puis part pour la France.

Il gagne sa vie en travaillant en 1910, de mars à la fin de l'année, pour la firme métallurgique Langstaff à Paris et en 1911-1913 pour l'ingénieur Rebikov, "agent général de la flotte aérienne russe à Paris", mais le 1er août de cette année, il quitte son bureau d'ingénieur et retourne à l'agronomie. Cette fois à l'institut national de Grignon, en France.

L'année 1914 arrive, et Mieczyslaw Rodzynski, va désormais apprendre son vrai métier, son art, auquel il restera fidèle jusqu'à la mort. Il sera un soldat... 


Le 21 août 1914, un décret du ministre de la Guerre permet aux étrangers de s'engager dans l'armée française. Mieczyslaw est l'un des premiers parmi près d'un millier de Polonais à s'engager sous la bannière française. Le 22 août, il s'engage dans l'un des bureaux de recrutement de Paris, et peu après, il se trouve déjà avec une unité au camp d'entraînement du 1er régiment de la Légion étrangère dans la ville historique de Bayonne, par laquelle les Légions polonaises marchaient autrefois vers l'Espagne... 

Les Dames de Bayonne offrent un étendard aux volontaires polonais

Dans cette ville, la jeunesse polonaise veut à tout prix distinguer sa nationalité. La ville de Bayonne comprend ces sentiments et offre aux Polonais une bannière avec l'aigle polonais. Mais l'affaire va immédiatement faire parler d'elle. À cette époque, Mieczylaw et ses camarades ne sont finalement pas des Polonais : ils sont "les sujets russes" - des sujets russes vivant temporairement en France. La République vit en harmonie avec la Russie tsariste, combat côte à côte contre un ennemi commun et ne peut tolérer aucun problème ou rêve polonais. Une intervention de l'ambassadeur russe et du gouvernement français permet d'affecter une unité de volontaires polonais, désormais appelée Bayonnais, à la 1ère division marocaine, tout en arrêtant tout nouvel afflux de volontaires polonais. Qu'ils aillent en Russie, qu'ils servent le Tsar, leur monarque... 

Mieczyslaw  part au front près de Reims en Champagne le 8 septembre 1914, et, moins d'un mois après, il s’est déjà illustré dans les actions les plus dangereuses. Il est nommé caporal le 4 octobre

Le 29 novembre 1914, le jour anniversaire de l’insurrection de 1831, l’un de ses amis les plus chers, Wladyslaw Szujski, porte-drapeau, tombe, transpercé par les balles allemandes.

Mort de Szujski à la bataille de Sillery par Jan Styka

Mieczyslaw se bat tout l'hiver en Champagne. Fin avril 1915, en prévision d'une offensive, son unité est déplacée aux environs d'Arras. Le 9 mai 1915, la légion attaqua la colline de Vimy dans la section de Berthonval, capturant quatre lignes de tranchées ennemies. Pour cette action, la bannière bayonnaise reçoit la croix de guerre avec palmes.

Mieczysław est blessé durant cette attaque. Ce ne sera pas la dernière fois, mais cette fois-ci sa blessure n'est pas grave, après tout il n'aime pas s'inquiéter. Pire encore, à cette époque, sa légion cesse d'exister. Le 16 juin 1915, lancée dans une attaque à la baïonnette sur le cimetière de la ville de Souchez, près de Notre-Dame de Lorette, la légion des bayonnais est décimée. L'alliance franco-russe ne sera désormais plus perturbée par aucun rêve polonais. 

Le caporal Mieczyslaw Rodzynski, convalescent à l'hôpital de Mortaix, est libre de choisir le régiment français qu'il souhaite : il opte pour le 4e Régiment de Zouaves, en juin il part rejoindre l'état-major du régiment à Lyon, et deux mois plus tard il est déjà au front, en Belgique, près de Nieuport sur l'Yser.



Fervent et impétueux, il va toujours de l'avant. Que les zouaves sachent que Rodzynski est polonais, qu'il n’est pas un caporal d’opérette ! 

Le 1er octobre 1915, il est cité pour la première fois à l’ordre de la brigade comme "un modèle de zèle et de courage pour ses camarades et ses subordonnés", que "pendant quatre jours consécutifs, il a volontairement dirigé des patrouilles de reconnaissance vers les lignes ennemies et que, dans la nuit du 26 au 27 septembre, il a fourni les informations les plus précises sur les préparatifs de l'ennemi, qui pouvaient être prises sur place sous le feu de l'artillerie...". Il est promu sergent le 2 février 1916 et, le même jour, il est cité à l'ordre de l'armée comme "un sous-officier d'un courage exceptionnel ; il l'a bien démontré au cours de nombreuses missions, dont la plupart, outre les plus dangereuses, ont été accomplies en tant que volontaire..." D'après une note du 1er avril 1916, il est "l'admiration de tous lorsque, sous un feu d'artillerie nourri, il se met au garde-à-vous pour accepter les ordres de son supérieur dans cette position". Cet homme apparemment fou et lunatique, qui se pousse constamment en avant, donnant l'exemple d'un courage de lion, est néanmoins capable, lorsque cela est nécessaire, de se maîtriser.

Sergent Rodzynski du 4ème régiment de Zouaves

En juin et juillet 1916, il est donné comme exemple de sang froid, démontré lors d'un bombardement ennemi, dans un incendie qui a causé des pertes terribles et atteint une violence inouïe. Tout le monde le connaît dans la brigade, dans la division, dans les armées voisines sur la ligne de front. C'est le Polonais qui est toujours le premier lorsqu'il s'agit de la sortie la plus folle ou de la patrouille la plus dangereuse - le sergent Rodzynski, celui qui quittera la place le dernier et uniquement sur ordre, en prenant soin, avant tout, de sortir ses hommes de l’enfer que sont les combats sur l’Yser. 

Blessé le 5 août 1916 à Souville, près de Verdun, et évacué à Vittel, il s'échappe de l'hôpital et le 10 septembre de la même année, il est de retour au front avec ses zouaves. Le 13 octobre, il est nommé commandant du canon d'infanterie de 37 mm, et le 25 octobre, il est l'un des premiers à se distinguer dans l'attaque du front de Douaumont, et est blessé pour la troisième fois dans cette bataille. Mais un mois plus tard, il est de retour au régiment.

Le Fort de Douaumont après les combats

Cité à l'ordre de l'armée le 4 décembre 1916, il reçoit la Croix de guerre et la Médaille Militaire. Et à peine dix jours plus tard, le 15 décembre, il est de nouveau blessé à Chambettes, et à nouveau cité à l'ordre de la division, comme : "un sous-officier d'une audace, d'un courage atteignant la folie, donnant le plus bel exemple à tous, et gravement blessé à nouveau sur le champ de bataille". Immédiatement après, en janvier 1917, il est promu adjudant, après à peine un mois, il obtient le grade de sous-lieutenant.



Certificat pour la Médaille Militaire. 4 décembre 1916

Le 4 juin 1917, un décret du Président de la République ordonne la formation d'une armée polonaise sur le sol français. Le même jour, l'un des plus anciens Bayonnais, Mieczysław Kazimierz Rodzynski, sous-lieutenant du 4e régiment de Zouaves, as de l'infanterie et qui déclara à son général, en le remerciant pour la distinction, qu'il était avant tout un Polonais, fut affecté à cette armée. 

Le lieutenant Rodzynski tenant l'étendard des Bayonnais devenu bannière de son régiment

Il renonce immédiatement à l'offre de service dans l'état-major de l'armée polonaise en cours de formation à Paris : il va au front, au 1er régiment de Chasseurs en cours de formation à partir des volontaires qui arrivent au camp de Sillé Ie Guillaume. C’est là, le 17 octobre 1917, que le sous-lieutenant Rodzynski, " la fierté de la France ", est fait chevalier de la Légion d'honneur, et le 15 novembre de la même année, il devient lieutenant.

Document de la Chancellerie de la Légion d'Honneur

Il est la fierté et la vanité de la jeune armée bleue. Il n'est que lieutenant et commandant de compagnie, mais c'est lui qui va à Bordeaux recueillir les premières troupes de volontaires venant d'Amérique en France, et c'est lui qui sera dans la délégation polonaise pour accueillir à Paris les chefs d'État arrivant en janvier 1919 avec la France. C'est lui qui accueillera la délégation polonaise à Paris pour la venue, en janvier 1919, des chefs d'État des pays alliés de la France dans la guerre.

Lui, le premier partout. Bientôt, il sera assis à Paris, au siège, où il est le principal artisan de la rédaction des nouveaux règlements et des règles tactiques. Non, sa place est dans l'escouade, dans le régiment. Puis, à l'occasion de l'anniversaire du décret établissant l'armée, le 4 juin 1918, le régiment a finalement occupé la première ligne de tranchées près de Reims - Rodzynski devait à nouveau passer en premier.


Il est nommé capitaine le 17 mars de la même année. Dans la nuit du 13 au 14 juillet, le régiment se déplace vers la section Saint-Hilaire, et le 22 du même mois, le 3e bataillon du régiment avance de 1200 mètres lors d'une attaque. En août de la même année, le régiment part pour Saint-Tauche pour rejoindre les 2èmes et 3èmes régiments de Chasseurs nouvellement formés. La 1ère division de Chasseurs polonais en France était déjà formée. Cette Division, à l'automne du 15 octobre 1918, a repris une section du front à Moyen Montier en Lorraine, et c'est ici que se termine sa participation à la Grande Guerre. 

Capitaine Rodzynski

Une nouvelle étape va maintenant commencer pour les soldats bleus : la guerre en Pologne. 

Le 15 avril 1919 le 1er Régiment de Chasseurs Polonais a quitté Bayon (Meurthe et Moselle) et est allé par train en Pologne. En mai 1919 le régiment se battait contre les Ukrainiens et plus tard contre l'Armée Rouge. Le 17 septembre 1919, le 1er RCP a reçu le nom du 43e Régiment de Chasseurs des Confins (43 pułk strzelców kresowych). En avril-juin 1920 Rodzynski a pris part aux combats en Ukraine. En juin l'offensive soviétique a rompu le front polonais. Pendant la deroute le 3ème bataillon de Rodzynski, qui marchait dans l’avant garde du 43ème régiment a été chargé par la cavalerie de l'armée de Boudienny. Près du village de Butowce le capitaine Rodzyński a été attaqué par plusieurs cosaques et se défendait avec son pistolet et son sabre. Grièvement blessé à la tête et à la main à coups de sabre il a perdu la conscience. Une contre attaque du 2ème bataillon a repoussé les bolcheviques et le capitaine a été evacué du champ de bataille. Il succomba à ses blessures le 10.07.1920 dans un hôpital à Tarnopol (Ternopil) sans reprendre conscience.

Mieczysław Rodzynski a été enterré à Varsovie le 15 juillet 1920. A ses obsèques assistait l’ancien commandant de l'Armée Polonaise en France, le général Józef Haller et ceux des camarades d’armes polonais et officiers de la Mission Militaire Française en Pologne qui n’étaient pas au front.

Il a été nommé commandant (en polonais major)  à titre posthume ce même 15 juillet 1920.

Et il reste cette pensée de ce qu’aurait pu devenir Mieczyslaw pour la Pologne, s'il avait vécu. Lui qui avait été épargné pendant tant d'années sur le front terrible de la Grande Guerre, et qui est tombé d'un simple coup de sabre cosaque….



Décorations françaises: Légion d'Honneur (Chevalier), Médaille Militaire, Croix de Guerre avec 4 palmes et 6 étoiles.

Décorations polonaises – toutes à titre posthume: Virtuti Militari 5 cl., Krzyż Niepodległości (Croix de l'Indépendance), Krzyż Walecznych (Croix des Vaillants) -à trois reprises.

André Szczerba

Sources : Wikipedia PL, Forums pages 14-18, "Kamienie na szaniec " de Karol Kozminski



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